Frère Marcel Tshikez, ofm |
« MISSIONNAIRES A L’IMAGE DU BON SAMARITAIN » ( Luc 10, 30-37)
Message du Fr. Marcel Tshikez, ofm , délégué pour l’Afrique/MEà l’occasion de la journée mondiale pour les missions 2013
A toute la famille franciscaine d’Afrique,
A tous les hommes de bonne volonté,
Que le Seigneur vous donne sa paix !
Voici comment Jésus commence la parabole du bon samaritain : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à demi mort » ( Lc 10, 30).
Chers frères et sœurs, aujourd’hui, sur nos routes d’Afrique, il y a tant d’hommes et de femmes abattus par la vie qui attendent de nous un secours. Le Samaritain n’avait pas grand-chose, mais le peu qu’il avait, il l’a mis au service de l’amour. Notre mission doit être une mission d’amour. Le bon Samaritain c’est d’abord notre Seigneur Jésus. L’homme laissé à demi-mort par les bandits, c’est chacun de nous. A demi-mort, cloués au sol par les péchés et les machinations des fils des ténèbres, nous avons chacun besoin d’un bon samaritain pour nous secourir en toute urgence, sinon c’est la mort.
Il n’est dit nulle part, dans cette parabole, que le samaritain était un médecin, cependant, on le voit agir comme un médecin qui a fait ce qui était à sa portée en donnant avec amour les soins d’urgence. St François aussi qui n’était pas médecin écrit dans son Testament « Au temps où j'étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m'était insupportable. Mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux; je les soignai de tout mon cœur ». Nous sommes donc tous appelés à soigner nos frères et sœurs de tout notre cœur.
Le Samaritain, en amenant l’homme abattu chez l’hôtelier, ne le fait pas pour se débarrasser de lui ; au contraire, il se lie à lui par l’amour, puisqu’il dit qu’il allait revenir: « Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l'hôtelier, en disant: Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour » ( Lc 10, 35). Pour lui, l’argent ne compte pas, ce qui compte c’est la vie de cet homme à demi-mort. L’argent ne doit pas valoir plus qu’un frère à aimer et à respecter. Les premiers soins donnés par le samaritain valaient la peine, mais n’ont pas été suffisants : il fallait aller à l’hôtellerie. Dans la cure d’âmes, il ne faut pas s’arrêter aux premiers soins, il faut faire plus, aller plus loin. Mais cela n’est pas facile, on est limité. C’est pourquoi on a besoin de « l’hôtelier », c’est-dire des autres pour agir ensemble. Jésus le savait bien lorsqu’il envoya les Douze en mission deux à deux (Marc 6, 7). En procédant ainsi, il nous enseigne de travailler en groupe, en Fraternité. Le frère n’est pas seul en mission, mais avec les autres frères dans une Fraternité en mission, si bien que ses réussites sont les réussites de toute la Fraternité et ses échecs sont aussi les échecs de toute la Fraternité.
Ces blessés dont il est question ne sont pas seulement ceux que nous rencontrons sur la route, mais aussi ceux de nos Fraternités. Il y a tant des blessés dans nos Fraternités qui ont besoin de bons samaritains. L’Apôtre Paul dit : « C'est un devoir pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n'ont pas cette force » (Rm. 15, 1). Pour sa part, St François dit : « Heureux celui qui aimerait autant un frère malade et incapable de lui rendre service, qu'un frère bien portant qui peut lui être utile » (Adm. 25).
Dans le récit de l’envoie en mission, Luc ajoute que le Seigneur désigna soixante-douze autres et les envoya devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller. (Lc 10, 1). Par cette attitude, le Seigneur veut nous signifier que la mission évangélisatrice que nous faisons n’est pas nôtre œuvre, mais c’est la sienne. C est sa mission à laquelle nous participons en allant « là où lui-même devait aller ».
Le Samaritain s’est arrêté. Aujourd’hui tant de religieux et religieuses, tant de chrétiens n’ont plus le temps de s’arrêter. Ils courent, mais vers qui courent-ils? Vers des choses à réaliser comme ce prêtre et ce lévite dont parle Jésus : « Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. » (Lc 10, 31-32). La vraie course que nous sommes appelés à mener n’est pas d’abord extérieure, mais intérieure, celle qui doit pousser chacun vers les profondeurs de son propre cœur à la rencontre de soi-même et de Dieu pour sortir enfin, en allant vers les autres par les actes de charité. Toute course qui ne nous conduit pas vers l’amour de Dieu et du prochain est une fausse course. Et la charité n’a pas de temps : elle n’est pas à renvoyer demain quand elle s’invite aujourd’hui.
Le samaritain ne se tient pas à distance en train de regarder l’homme qui git au sol, il s’approche. Par là, il réduit complètement la distance entre lui et le blessé. Il ne se préoccupe même pas de savoir qui est ce blessé (un juif ou un samaritain comme lui), il sait seulement que c’est un être humain « crée à l’image et à la ressemblance de Dieu ( Gn 1, 27), qui a besoin d’être secouru. Et cela lui suffit. Nous tous comme missionnaires ad gentes et inter gentes nous sommes appelés à nous approcher des autres, à éliminer toute distance qui nous sépare d’avec des blessés de la vie sans distinction de races, de tribus, de langues, de sexes ou d’âges.
S’approchant ainsi « il le vit », il voit l’homme couché au sol (v33). C’est clair : c’est quand on s’approche de l’autre qu’on peut bien voir et comprendre sa misère. Nous ne devons pas faire semblant de ne pas voir la misère autour de nous. Et celui qui voit réellement la misère des autres, ne peut rester insensible. Jésus dit que le Samaritain « fut pris de pitié » (v33) et directement il passe à l’action. Il n’a pas le temps à perdre : Il « banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l'hôtellerie et prit soin de lui » (Lc 10, 34). Notre pitié est une fausse pitié, si elle se limite au constat, sans passer à l’action. Et l’action n’est pas seulement matérielle, mais aussi et surtout spirituelle.
La grande maladie du monde actuel est celle qui affecte spirituellement le cœur de l’homme. Comme missionnaires, nous sommes appelés à être des « cardiologues spirituels » pour tant de cœurs blessés, de cœurs malades. « Il y a des maladies qui ne se guérissent pas avec de l'argent, mais avec de l'amour », dit Mère Teresa de Calcutta. Notre traitement n’est rien d’autre qu’un traitement d’amour qui comporte l’écoute et la compréhension de l’autre, mais surtout la prière et l’administration des sacrements. Notre travail consiste à soigner, mais c’est Dieu lui-même qui guérit, D’où nous devons être humbles en nous considérant comme des « serviteurs inutiles qui n’ont fait que leur devoir» (Luc 17, 10).
Dans cette perspective, des blessés il y a aussi des naufragés que nous ne pouvons pas oublier dans cette page : il s’agit de la situation de tous nos frères et sœurs africains immigrés qui sont morts récemment dans la mer aux larges des cotes italiennes dans la traversée vers l’Europe à la recherche de meilleurs conditions de vie. Face à ce nouveau drame de la mer, certains hommes politiques ont critiqué les pays d’où partent la plupart des bateaux (La Libye, la Tunisie, le Maroc) en disant « qu’ils doivent faire cesser le business indigne des embarcations de fortune ».
Sans pour autant encourager ces voyages clandestins avec tout ce qu’ils comportent comme risque de vie, il faut savoir que ceux qui prennent de tels risques ne le font pas par joie ou par plaisir, mais par misère (famine, insécurité des guerres etc.). Car tout homme aspire au mieux être et surtout à une vie paisible. C’est ainsi que pendant que les uns meurent dans la mer, d’autres se préparent pour tenter leur chance de partir en empruntant le même chemin et en affrontant les mêmes risques que leurs prédécesseurs. Pour freiner cette situations d’immigration, il y en a qui pensent qu’il faut renforcer les contrôles des frontières européennes, afin de limiter l’arrivée des immigrés. C’est une illusion. La vraie solution à ce problème personne ne l’ignore : elle se trouve dans l’amour du prochain, l’amélioration des conditions de vie sociale et économique en Afrique et l’arrêt des guerres.
En cette fin de l’année de la foi, il sied de nous rappeler que notre foi doit être une foi agissante, car « la foi sans les œuvres est une foi morte » (Jc 2, 20). Saint Paul dit à ce sujet : « Quand j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j'aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien (1 Cor. 13, 2). D’où, nous souhaitons que les frères et sœurs de la famille franciscaine comme «instruments de paix » luttent davantage pour la justice, la paix et la réconciliation des peuples. Que les Fraternités se trouvant dans les pays de départ des immigrés vers l’Occident et celles se trouvant dans les pays d’arrivée considèrent comme des nouveaux aréopages pour la mission, ces personnes désespérées et ces familles qui ont perdu les leurs. Condamner ces hommes et ces femmes c’est facile, mais se mettre à leur place n’est pas facile. Il y en a qui ont réussi leur traversée, mais hélas, au lieu de la liberté rêvée, ils se sont retrouvés dans l’esclavage du « travail noir ». D’autres, les femmes en particulier, se sont retrouvées dans l’esclavage sexuel. Ainsi, désillusionnés par l’Europe, ils se retrouvent « entre les eaux » ne sachant ni rester en Europe, ni retourner en Afrique. Ce sont des blessés couchés sur le sol étranger attendant le passage d’un bon samaritain pour les soigner et les amener dans l’hôtellerie qu’est l’Eglise, qu’est la Fraternité.
« La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux » (Mt.9, 37). Nous saluons avec joie bientôt la présence des frères mineurs missionnaires sur le sol camerounais. Il s’agit d’un frère de la Fondation Notre Dame d’Afrique (Congo Brazza) et de quelques frères de la Province Sainte Marie des Anges de la Pologne qui vont commencer une nouvelle présence au Cameroun. Cette présence franciscaine tant rêvée pour le Cameroun devient une réalité d’ci quelques jours.. Nous souhaitons que d’autres frères puissent rejoindre cette première équipe, afin de renforcer d’avantage la présence franciscaine sur cette terre qui a aussi besoin de nous.
Pour terminer, nous souhaitons à tous et à chacun une bonne fête des missions !
Fait à Lubumnashi, le 19 octobre 2013
Fr. Marcel Tshikez, ofm
Secrétaire/Délégué pour Mission et Évangélisation (ME) de la Conférence africaine
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