Rome, le 23/04/2022
N. 0012/VG/AVR/2022
Aux Frères Mineurs de la Province du Verbe Incarné,
Chers Frères
Paix et Bien !
I. INTRODUCTION
1. A l’occasion de la Solennité de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, je vous souhaite à tous et à chacun une heureuse fête de Pâques. Que le Christ ressuscité fasse de nous des vrais témoins de sa Résurrection.
2. Je voudrais à cette occasion et à quelques mois du Chapitre Provincial, vous inviter à approfondir le thème du Chapitre : « Répondant à l’invitation du Saint esprit, Frères Mineurs, aujourd’hui, œuvrons davantage avec humilité et passion pour le renouvellement et rayonnement de notre identité franciscaine ».
3. Ce thème a certainement été choisi en rapport avec celui du dernier Chapitre Général de l’Ordre (2021) qui avait comme thème « Répondant à l’invitation du Saint-Esprit comme Frères Mineurs dans l’Église et dans le monde ».
4. Les capitulaires du Chapitre général ont réfléchi et nous ont légué cinq invitations : 1) une invitation à la gratitude, 2) une invitation à renouveler notre vision, 3) une invitation à la conversion et à la pénitence, 4) une invitation à la mission et à l’évangélisation, 5) une invitation à embrasser notre avenir.
5. Aujourd’hui, je voudrais me pencher uniquement sur l’invitation à la gratitude.
II. INVITATION A LA GRATITUDE
1. La gratitude, c’est la reconnaissance des bienfaits de Dieu dans nos vies. Pour le Pape François, le fait d’avoir eu l’audace de célébrer le Chapitre Général dans cette période de la pandémie de Covid 19 est un signe d’audace, de confiance en Dieu : « Vous vous ouvrez donc, avec gratitude à l’accueil des signes de la présence et de l’action de Dieu et à la redécouverte de votre charisme et de votre identité… »[1] dira-t-il aux frères capitulaires.
2. Allant dans le même sens, le Ministre Général de l’Ordre des Frères Mineur, Fr Massimo FUSARELLI, dira : « Nous demander encore quelle est notre identité signifie ne pas se lasser de rester à l’écoute de l’Évangile »[2] et croire que « notre temps, bien que difficile, est propice pour cette écoute de l’Évangile et pour trouver aujourd’hui des visages et des paroles de vie qui nous aident à renouveler notre vision » [3].
3. Puisque c’est Dieu lui-même qui veut nous renouveler à travers ce Chapitre provincial de 2022, commençons déjà à lui manifester notre gratitude pour tout ce qu’il entrevoit pour notre Province. Remercions-le pour le souffle de vie qu’il nous accorde malgré nos ingratitudes, demandons lui le secours du Saint-Esprit à travers la « Prière pour le Chapitre », les offices liturgiques, la célébration quotidienne de la Sainte messe et l’adoration. Le Pape Benoît XVI disait : « Chez François, l'amour pour le Christ s'exprima de manière particulière dans l'adoration du Très Saint Sacrement de l'Eucharistie »[4].
4. Comme Frères prêtres, nous célébrons volontiers pour les Intentions des messes reçues et venant d’ailleurs. C’est une bonne chose, mais n’oublions pas de célébrer des messes pour tant des merveilles que le Seigneur a accomplies et continue à accomplir dans nos Fraternités et dans nos familles respectives.
5. Nous devrions aussi célébrer régulièrement les messes d’action de grâce pour les anniversaires de nos frères, pour les jubilés de vie religieuse, de vie sacerdotale, pour la guérison d’un frère de notre fraternité, pour tel don reçu dans la Fraternité, pour nos parents et nos frères et sœurs biologiques à qui Dieu a fait grâce en leur faisant surmonter une difficulté ou pour leur joie reçue de Dieu, etc.
6. La Règle et la vie des Frères Mineurs étant « d’observer le saint Evangile de notre Seigneur » (Rb 1,1), que nous dit l’Evangile à propos de cette gratitude ? En lisant l’évangile des dix lépreux (Luc 17, 11-19) on comprend vite que le Seigneur veut que nous lui soyons reconnaissants : « L’un d’eux, se voyant guéri, revint sur ses pas en rendant gloire à Dieu à haute voix. Il tomba le visage contre terre aux pieds de Jésus et le remercia. C’était un Samaritain » (Lc 17, 15-16). Jésus prend alors la parole : « Les dix n’ont-ils pas été guéris? Et les neuf autres, où sont-ils ? Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir et rendre gloire à Dieu ? » (Lc 17, 17-18). Le texte se termine par cette déclaration de Jésus adressée au lépreux guéri : « Lève-toi, vas, ta foi t’a sauvé. » (Lc 17, 19).
7. Selon le contexte, le verbe grec σῴζω traduit par « sauver » qui renvoie au salut peut signifier aussi bien « guérir » que « sauver ». Ici, il est clairement question d’un salut qui dépasse la simple guérison physique. Très souvent dès que nous avons obtenu une guérison physique nous oublions que celle-ci n’est qu’un pas vers la guérison intérieure qui est plus importante que celle physique.
8. « Priez sans cesse » nous dit l’Apôtre Paul (1 Th. 5,17) et « Rendez continuellement grâces à Dieu » (Eph.5, 20). Cette prière d’action de grâce ne consiste donc pas en un acte ponctuel que l'on pose une fois, mais il s'agit d'une action qui doit se faire régulièrement et continuellement. Nous avons là le fondement de la Liturgie des Heures. Est-ce que nous y prenons continuellement part ? Ou bien nous nous laissons absorbés par tant de choses à réaliser comme Marthe (Lc 10, 38-42), sans nous préoccuper de Celui qui veut aussi nous réaliser.
9. « Rendez grâces en toutes choses » (Eph. 5, 20). Quand on parle de reconnaissance envers Dieu, certains pensent souvent aux remerciements qu’il faut adresser à Dieu pour les merveilles qu'Il a fait pour eux. L’apôtre Paul nous demande d’être reconnaissants envers Dieu « en toute chose » c’est-à dire, non seulement dans les situations heureuses de notre vie, mais aussi dans celles malheureuses: « car telle est la volonté de Dieu dans le Christ Jésus à votre égard. » (1 Th. 5, 18). Il s’agit donc d’être reconnaissants même quand les choses ne tournent pas à notre avantage sachant que « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » ( Rm 8, 28).
10. Par exemple, avec la pandémie, nous avons perdu des frères, des sœurs, des parents, « paix à leurs âmes ! ». « Tout est grâce !». Face à ces situations malheureuses nous sommes appelés à dire avec Job : « Nous acceptons le bonheur comme un don de Dieu. Et le malheur, pourquoi ne l’accepterions-nous pas aussi?» (Job 2, 10.). Saint François d’Assise ne louait-il pas Dieu avec toute gratitude pour notre « Sœur » la Mort ? Consolons-nous avec la foi de Job : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! » (Jb 1, 21).
11. Que nos Frères éprouvés ces derniers temps, trouvent, à travers ce mot, l’expression de ma profonde gratitude et compassion. Je leur dis tout simplement : Courage ! «Duc in altum!» (Lc 5,4).
II. DISPOSITIONS PRATIQUES
12. Pour reconnaître la gratitude de Dieu, partons d’une situation concrète : Lorsque par exemple nous venons de finir notre repas. Posons-nous la question de savoir « Qu’est-ce qu’il a fallu, en amont, pour que ce repas soit possible ? ». Il y a ceux qui ont versé leur sueur, peut-être même leur sang, pour que nous ayons eu ce repas à table : ceux qui ont cultivé le blé, ceux qui l’ont récolté, ceux qui l’ont moulu, ceux qui l’ont transporté pour être vendu, ceux qui ont apporté de l’eau pour la cuisine, …Et si nous remontons la filiale, nous allons arriver au « Premier Moteur » qui a tout mis en marche comme le disait Aristote et que nous, croyants appelons Dieu Créateur. C’est dans ce sens que l’Apôtre Paul dira : « J'ai planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui a fait grandir. Ainsi, ce n’est pas celui qui plante ni celui qui arrose qui compte, mais Dieu, qui donne la croissance. (1 Cor 3, 6-8).
13. Si humblement nous considérons tout ce qu’il a fallu en amont pour que nous ayons ce repas, nous nous laisserons interpelés par ces paroles divines : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mat. 10, 8) ; « Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu ? » (1 Cor. 4, 7) ; et nous nous empresserons pour restituer[5] à Dieu en partageant avec les pauvres ; nous commencerons à prier chaque jour avant le repas et après le repas ; avant de commencer la journée et avant de la conclure.
14. Pensons à ce que Dieu a fait pour nous aujourd'hui : la santé qu’il nous a donnée, la nourriture, les dons reçus, les voyages assurés, les travaux accomplis, …
15. Pensons maintenant à tous ceux qui n’ont pas ce que nous nous avons eu : les mendiants, les orphelins rejetés, les enfants de la rue, les vieillards abandonnés, les malades sans soins, les mourants dans l’isolement… Les regardant et en nous regardant Jésus peut nous dire : Pensez-vous que eux sont de plus grands pécheurs que vous « pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » (Lc 13, 2-5)
16. Remercions Dieu pour les privilèges qu’il nous a faits, nous qui ne sommes que « poussière et cendre » (Gn. 18, 27). A voir le ciel, ouvrage de ses doigts, comme dit le Psalmiste, la lune et les étoiles qu’il a fixées, qui sommes-nous pour que Dieu se soucie de nous en nous choisissant parmi les pécheurs, en nous couronnant même de gloire et d’honneur (cf. Ps 8, 5-8), en nous mettant à part comme ses « consacrés » ? Alors comment ne pas rendre grâce au Seigneur pour tout le bien qu'il nous a fait ? (Ps 116, 12).
17. Que Dieu nous aide à prendre conscience de cette invitation à la gratitude et que cela nous aide à « renouveler notre vision » (2ème invitation), dans cette marche vers la célébration de notre Chapitre Provincial 2022. Heureux temps pascal à tous !
Fait à Rome le 23/04/202
Fr. Marcel TSHIKEZ, ofm
Visiteur Général
[1] Pape François, Message aux participants du Chapitre Général de l’Ordre des Frères Mineurs, 2021.
[2] Cfr M. Fusarelli, voir l’introduction du doc. Final « Répondant à l’invitation du Saint-Esprit comme Frères Mineurs dans l’Église et dans le monde » Doc. Final du Chapitre. Général 2021.
[3] Ibidem.
[4] BENOÎT XVI , Audience générale du Mercredi 27 janvier 2010.
[5] Porteur du Don de l’Évangile, ( Document Final du Chapitre Gen de 2009), n° 10.
Frère Marcel Tshikez, ofm |